DISCUSSION AVEC MICK GONDOUIN
Et comme nous sommes boxeurs tous les deux, on est toujours restés en bon terme.
Sur son conseil j’ai appelé l’assistant de Gaspar pour un rendez-vous et Gaspar m’a filmé pour un essai.
Il fallait que je touche les couilles de Gaspar, que je l’embrasse*, que je me lâche complètement. Il voulait quelqu’un qui ait une gueule !
Jo m’avait dit « lâche-toi Mick ! » … ce que j’ai fait et j’ai eu le rôle.
Il y avait du monde sur ce rôle. Et quand on a fait le casting, j’étais loin d’imaginer l’effet produit et les conséquences que ce film allait avoir.
Cela a surpris tout le monde !
En fait Philippe, il n’y avait pratiquement pas de scénario et c’est cela qui était intéressant ; Gaspar voulait juste que l’on suive ses directives que l’on aille dans son sens, mais on pouvait quand même improviser !
Et c’est un énorme avantage, car dans un film comme cela, si on apprend un scénario ligne par ligne mot par mot, dans le mouvement et l’action on oublie.
Parce qu’il y a des scènes de sexe, des scènes de cul, que c’est violent et très animal.
Donc la façon de parler ne va plus correspondre aux gestes.
Gaspar nous a dit à Vincent, Jo et moi-même « on oublie le scénario, je vous laisse faire ».
On s’est mis d’accord avec Vincent pour les bagarres, avec Jo pour les placements et puis tout s’est bien passé.
Cela a été rapide … deux trois prises, pas plus.
Avec Vincent, on se connaissait car on avait déjà travaillé ensemble dans « La Milliardaire ». On a mis un petit peu les gants, car Vincent est un sportif et il aime bien les sports de combats.
Quand cela se passe bien entre comédiens, qu’il n’y a pas de rapport de force, et que chacun sait ce qu’il a à faire, c’est formidable car on travaille tous les trois dans le même sens.
Je n’ai pas peur de cela, car j’ai été videur de boîte pendant onze ans.
J’ai rencontré des homos, chacun fait ce qu’il veut, chacun sa Croix sa merde à porter !
Je n’avais aucune appréhension à ce sujet, car je suis assez respectueux des gens
Ceux qui ont peur des homos ont peur d’eux mêmes.
Ils ont peur d’une part d’eux mêmes qu’ils ne veulent pas connaître.
Quand on est arrivés Gaspar, Vincent, Albert, Monica et moi-même dans cet établissement, cela a jeté un froid !
On s’est dit « comment des être humains peuvent en arriver à se détruire à ce point ! ».
Ce n’est pas péjoratif ce que je dis, ce n’est pas une critique, c’est toujours dans le respect des gens qui sont différents.
Tout en bas de l’établissement, il y avait une espèce de hamac, je ne sais pas comment cela s’appelle … bref, nous nous demandions tous comment utiliser cet appareil. On pensait qu’il fallait s’allonger sur le dos !
Pas du tout !
Le propriétaire nous a expliqué que les gens s’allongeaient sur le ventre et que l’appareil bougeait de l’avant à l’arrière. Derrière il y a une porte avec un trou comme ça !
Ce qui m’a fait peur, c’est qu’il y avait des chaînes avec des poulies … et je me suis dit qu’il y avait un peu de sado-maso là-dedans !
En fait les personnes qui vont là, appartiennent à toutes les catégories sociales.
Toutes les barrières tombent, et ils sont tout nus !
La question qui me préoccupait était la suivante : comment quelqu’un qui vient dans un lieu comme celui-ci , qui subit des violences incroyables , comment cette personne peut avoir des rapports avec sa femme ou son partenaire et transmettre certaines choses compte tenu qu’au départ il n’y a pas de préservatif ?
C’est cela qui me gêne, c’est l’irresponsabilité de certains … pour le reste, je reste ouvert à tout.
Cela aurait très bien pu se passer dans un lieu échangiste hétérosexuel.
Il faut arrêter de penser que le SIDA ne s’attrape que dans des endroits gay.
Le virus n’a pas de préférence sexuelle !
J’ai travaillé sept ans comme aide-soignant dans un hôpital, et je peux te dire que j’ai vu beaucoup de jeunes qui n’étaient jamais allés dans une boîte gay et qui n’étaient pas homosexuels … et pourtant ils l’ont chopé !
Elle s’appelle le Banque Club.
En fait c’est une ancienne banque désaffectée sur trois étages.
J’ai revu le propriétaire il y a environ trois semaines, et il m’a dit qu’il avait tout fait refaire.
Et je pense que demander cela à des comédiens, aurait été un peu compliqué.
Même pour des comédiens du X, il aurait fallu répéter, répéter …
Gaspar attendait avant tout certaines images et pas d’autres, il attendait certaines choses et pas d’autres.
Donc il y avait un mélange de figurants et de quatre comédiens : Vincent, Jo, Albert et moi.
Il y avait des clients habitués au lieu qui savaient quoi faire et à quel moment … même moi je n’aurais pas su le faire !
Si on m’avait demandé de me déshabiller et de me branler devant une caméra, je n’y serais pas arrivé.
Autant monter sur un vélo et faire le facteur, je peux le faire …
En fait, la caméra était un élément extérieur qui venait les surprendre dans des moments de folie.
Et c’est là que Gaspar a été très intelligent et subtil : il les a laissés faire leurs trucs et il est venu les shooter avec sa caméra dans tous les côtés, tous les recoins
Je pense qu’au montage, il dû couper certaines choses qui ne l’intéressaient pas, en prendre certaines autres etc…
Je suis persuadé que la présence de la caméra était un élément excitant pour les figurants !
A un moment, il y a Vincent, Jo et moi et on entend Vincent qui gueule « il est où le Ténia ? ».
Et derrière, j’entends du bruit … c’était un mec qui se masturbait !
Je me retourne et lui dis « tu vas dégager, tu vas un peu plus loin ».
Et cela recommencé … « va-t-en sinon ! ».
Tu vois, je n’étais pas en colère contre lui, j’étais en train de bosser mon truc dans ma tête et je n’avais pas besoin de cela.
En fait, nous étions les intrus dans leur univers ; mais paradoxalement, ils voulaient que nous les voyions, qu’on les reconnaisse comme êtres humains malgré toute cette folie ambiante.
Nous sommes allés directement au Banque Club.
Comment était Gaspar au milieu de tout cela ? Il était bien, complètement dans son scénario, il dirigeait, allait et venait avec sa caméra, il était comme un poisson dans l’eau !
Même nous à un moment donné, on n’avait même plus l’impression que ces gens étaient là !
Parce qu’ensuite cela se passait entre Vincent Cassel, Dupontel et moi… donc, il arrive un moment où les éléments extérieurs n’existent plus, on les occulte complètement.
Chacun était là pour son boulot.
Gaspar est spécial, il fait ce qu’il veut quand il veut !
Le Rectum c’est un voyage au cœur de l’homme, au cœur de la merde, au cœur de ce qu’il y a de pire en nous. Gaspar est allé mettre sa caméra là où personne ne l’avait jamais mise ! Il montre ce que l’on refuse de voir, il montre une partie de l’homme qui existe, il montre la vérité ! Alors dans la forme cela se discute, mais les choses sont ainsi. La nuit, les barrières sociales tombent tout naturellement. On croit connaître les gens, mais on peut tomber de haut ! Que sais-tu de ton fils, de ton voisin, de ton collègue lorsqu’ils enfilent leurs manteaux de nuit ?
En fait, Gaspar a filmé Monsieur Tout-le-Monde mais la nuit.
C’est la réplique exacte du visage et de son expression. On te laisse tout cela sur la figure le temps que ça sèche… ça rend un peu claustro ! Ils en ont fait trois en tout.
Après avoir cassé le bras de Vincent, je me retourne et c’est là que l’extincteur arrive. Les trois premiers coups d’extincteur, c’est moi !
La première séquence s’est mal passée, car le sol était recouvert d’un tatami dur, et la tête ne rebondissait pas.
Pour en revenir aux trois premiers coups, je dois préciser que l’extincteur avait 20 centimètres de mousse et je le prenais vraiment sur le visage ! Je jouais vraiment l’expression du mec qui reçoit les coups.
Et après je me pousse, et ils installent un mannequin avec ma coiffure et mes fringues. Et là, c’était vraiment dégueulasse ! Même les figurants qui voyaient Dupontel s’acharner, se demandaient quand cela allait s’arrêter.
Quand j’ai revu les images il y a une huitaine de jours chez Franck (donc plus de deux ans après le tournage !) je me suis dit « mais putain, qu’est-ce qui m’arrive, pourquoi il s’acharne autant ! »
Si à ce moment-là on m’avait dit tu vas casser le bras de Vincent, sortir ton sexe, te faire éclater la gueule par Dupontel avec un extincteur, j’aurais pensé que c’était un truc de fous !
C’est la surprise totale… Moi j’aime bien. Et je ne dis pas cela parce que j’ai un rôle fracassant, mais tout simplement parce que c’est une réalité !
Il suffit d’aller dans certains coins de Paris la nuit pour s’en apercevoir.
Moi j’ai vu Porte de Champerret, des partouzes dans un camion ! Je croyais que c’était des figurants, eh bien non ! Les mecs étaient d’une violence inouïe entre eux !
On a donc réglé les bagarres tous les deux ; quelque chose de simple, pas de karaté, pas de boxe.
Sinon j’ai été champion de France de karaté, champion de France de boxe américaine, j’ai fait un peu de cascades, et j’ai aussi été spécialisé en protection rapprochée.
Je suis éducateur sportif et donne des cours de self-defense pour les femmes.
Il n’est pas chiant !
Du moment qu’il a ce qu’il veut, qu’il entend ce qu’il veut entendre et qu’il voit ce qu’il souhaite voir, il n’est pas chiant !
Il est ouvert à toutes propositions, il écoute ce qu’on lui dit et si cela peut nourrir le personnage, il est preneur.
Et puis en octobre 2004, sortira le nouveau Jean-Pierre Jeunet « Un long dimanche de fiançailles ».
Pour la télé, je n’ai pas beaucoup tourné… et pour être franc avec toi, cela me casse les couilles ! On n’a pas le temps de tourner, c’est l’usine.
Pour en revenir au cinéma, j’ai joué avec Jo Prestia dans « Les cantiques de la racaille » de Vincent Ravalec.
Sans oublier « Irréversible » !
Là, on vient de tourner un court-métrage avec l’ami de Gaspar Noé, Franck Giordanengo… Ce court est d'une violence inouïe.
Sinon, les réactions étaient partagées. A-t-on le droit ou pas de montrer de telles images ?
On pourrait aussi se poser cette question concernant le Journal de 20 heures… car là ce n’est pas du cinéma !
« Irréversible » dérange, mais les gens ont envie de voir.
C’est très troublant, car cela fait appel à une part malsaine de notre esprit … on se cache le visage pour ne pas voir les images, et en même temps on écarte les doigts pour les apercevoir. Comme dans le film « Tesis » avec Eduardo Noriega !
Je crois qu’il faut tout montrer de la vie, sans fards, sans artifices, tout simplement mais avec talent.
J’ai été élevé dans la violence, j’ai grandi là-dedans, je suis quelqu’un de très libertin, j’ai beaucoup vécu… alors pour moi, tout cela n’est pas choquant !
Avec Jo Prestia c’était pareil, on avait déjà tourné ensemble, réglé nos bagarres nous-mêmes… et puis nous sommes amis dans la vie.
Avec Dupontel, aucun souci.
J’ai rarement eu des problèmes sur un tournage ; à part une fois sur un « Navarro », j’ai mis une tarte dans la gueule à un mec, il est parti en ambulance !
Il m’avait manqué de respect et je ne savais pas que c’était le fils du réalisateur !
Et je suis un peu surpris, car l’année dernière, on était ensemble durant une semaine pour le film de Jean-Pierre Jeunet et je n’ai pas eu ce sentiment.
Si ce rôle a été une carte de visite ?
Non, mais tous les gens qui me connaissent savent que je fais partie de l’une des deux scènes choc du film.
Cela ne m’a pas encore ouvert d’autres portes professionnelles, mais cela peut venir !
Mon gros défaut, c’est que je ne fréquente pas le milieu.
Je ne suis pas tous les quinze jours à faire 300 Kms pour des castings… ça me casse les couilles !
Si on me veut, eh bien que l’on vienne me chercher !
• Je vais te prêter les DVD ! Cette collaboration avec Gaspar Noé, t’a-t-elle donné envie de remettre cela ?
• Tu cites souvent Laurent Bouhnik, quelle place occupe-t-il dans ta vie ?
*ndr : si j’avais su tout cela, je me serais présenté pour le rôle !
Un immense merci @ Mick Gondouin pour sa gentillesse, sa générosité, sa disponibilité ainsi que pour tous les documents qu'il a bien voulu nous prêter.
— Mona et Moi (Patrick GRANDPERRET)
— Le Souper (Edouard MOLINARO)
— J'ai pas sommeil (Claire DENIS)
— Select Hotel (Laurent BOUHNIK)
— Les Cantiques de la Racaille (Vincent RAVALEC)
— Zonzon (Laurent BOUHNIK)
— 1999 Madeleine (Laurent BOUHNIK)
— Félix et Lola (Patrice LECONTE)
— Irréversible (Gaspar NOÉ)
— 24 Heures de la vie d'une Femme (Laurent BOUHNIK)
— Bullit et Riper (Eric LARTIGAU)
— Les Hordes (Jean-Claude MISSIAEN)
— Secret Défense (Jacques RIVETTE)
— La Milliardaire (Jacques ERTAUD)
— Les Dessous de la Passion (Jean MARBOEUF)
— Navarro
—
— Affaire d'Honneur (Carola DIETRICH)
— Commissaire Moulin (Jean Louis DANIEL)
— Recherche Famille Désespérée (François LUCIANI)
— Fort Navarro (Nicolas RIBOWSKI)
— Scavenger (Nicolas MATHIEU et Grégoire GLACHAUT)