Virginie Despentes est née le 13 juin 1969 à Nancy.
— Quand et comment avez-vous connu Gaspar Noé ?
Coralie connaîssait Gaspar Noe, pour avoir tourné avec lui un court métrage X (campagne pour le présa). Quand on a terminé la première version du scénario, elle a donc pensé à lui demander s'il voulait y
jeter un oeil et nous donner un peu la bonne parole. Il nous a donc rejoint dans un restaurant chinois du 20ème, un soir. C'est la première personne qui nous ai dit "Quelle bonne idée !", et un peu la seule, quand même, pendant longtemps. Tout lui semblait possible et intéressant : qu'on le réalise à deux, en dv, qu'on le fasse avec des gens du X, et avec de vraies scènes, etc. Pendant toute la préparation, et ensuite pendant le montage, on l'a vu régulièrement, et sur bien des plans ses conseils ont été vraiment précieux, car si Gaspar nous avait dit quelque chose (comme "c'est tout à fait possible de shooter sans lumière, allez y, oui bien sûr") plus personne ne pouvait nous raconter le contraire.
Son cinéma ? Je suis absolument fascinée par la précision de ses films : dans chaque plan, on voit bien que chaque chose est maniaquement en place. Gaspar Noé semble savoir très exactement ce qu'il a à faire. Je
trouve cette sensation d'inévitable, d'imparable, quand on regarde ses films extrêmement rare et étonnante. c'est pourquoi il s'en foutait de savoir que personne ne faisait de film comme Carne, quand il l'a fait. Ni en france, ni ailleurs. Il fait les films qu'il a à faire avec une lucidité, une perspicacité et une obstination calme qui selon moi le qualifient parmi les très rares et très grands. Savoir ce qu'on à faire avec cette évidence relève de l'exception. Je retiens de son cinéma bien sûr les thèmes qu'il aborde, qui sont toujours à la fois en directe résonnance avec "l'époque" au sens large, et à la fois c'est des films pour un public particulier, affranchi, averti.
— Gaspar apparaît dans les remerciements de "Baise-moi", le film quevous avez réalisé avec Coralie. Pour quelle(s) raison(s) ? Comment est venu le choix de l'extrait de Seul contre tous dans votre film ?
d'idées et d'évidences sur comment faire un film, il est très généreux avec les autres. Et je crois aussi que "baise moi", à cause de plusieurs aspects du film, ça le faisait spécialement bien rire. Et je crois enfin qu'il sentait qu'on pouvait faire usage de ses conseils, de son soutien, voir de sa simple bonne présence. Pour l'extrait du film, on voulait que Nadine regarde la télé pendant la levrette avec le client, et pour les besoins "légaux", on avait besoin de l'autorisation de la production du film qu'on passerait. D'un point de vue pratique, c'était donc évident de demander à Gaspar s'il était OK. et d'un point de vue "filmique" il faut dire qu'on atteignait limite l'extase de pouvoir cligner de l'oeil comme ça.
soutien assez crucial, quand même.
Je me souviens d'une anecdote. Juste après avoir écrit "baise moi", quand godo a acheté les droits, j'ai préparé un court métrage. Et avec la productrice de ce court, on était allées voir auprès de je ne sais quel représentant légal du CNC (des gens qui distribuent l'argent de l'état pour aider à se monter des projets). On était donc arrivées dans le grand bureau de ce fonctionnaire, un jeune type à lunettes, qui avait une guitare sèche dans son bureau. A l'époque je ne connaissais pas du tout Gaspar, mais je connaissais son CARNE par coeur. Tout ce que je savais - comme tous ceux qui l'avaient vu - c'est que Gaspar était le plus passionnant des jeunes réalisateurs français, sans discussion aucune.
Au lieu de ça, Gaspar, quand on lui en reparle, semble trouver tout ça follement excitant.
Un immense merci à Virginie Despentes pour sa gentillesse et sa disponibilitié.